
In this short story, a young Incan girl experiences various emotions and thoughts while she journeys to a sacred cave high in the Andes mountains. Suyana loves her family more than anything, particularly her father who recently caught smallpox, however she’s upset that she will no longer live to see them again. She has known for a year now and she is extraordinarily proud to have been chosen as one of the sacrifices to the gods, but what she doesn’t know is that a loved one has different plans for her. Of course she is delighted to see her childhood best friend, Zambiza (Zam) one more time before she dies, but upon learning the nature of his true intentions, Suyana has a difficult decision to make; love, or prosperity and honour.Â
This story is imagined from the information regarding the magnificently preserved bodies of the Llullaillaco Maiden and her two counterparts who were discovered in 1999. The three young children were supposedly sacrificed in the Capacocha ritual 500 years ago.
Le sacrifice qui permet la prospérité
By Sophie Pfisterer
Les caractères: Suyana, Zambiza (Zam), Quilla et Puya-Vilca
Il me semble que le froid m’énerve plus que mon sacrifice qui se rapproche. Puya-Vilca et les deux autres guides m’ont déjà offert plusieurs manteaux et écharpes pour me garder au chaud mais je frissonne quand même. Au moins, on est parti deux jours plus tôt que prévu à cause de la tempête qui arrive. Heureusement pour moi, je serai morte dans deux jours alors elle ne me dérangera pas. C’est bizarre d’y penser maintenant alors que Quilla et moi ont été choisies pour le rituel de Capacocha il y a un an, qu’on a vécu une année complète de préparation pour le rituel. Je crois que Quilla a beaucoup plus peur de mourir que moi, mais c’est compréhensible, elle a neuf ans plus jeune que moi. Quant à moi, je suis honorée de pouvoir aider mon ayllu et ma communauté. C’est une période particulièrement difficile pour eux maintenant à cause de la sécheresse et de l’arrivée des étrangers. L’empire Inca est très grand et puissant mais les étrangers ont apporté des armes extraordinaires qui peuvent tuer beaucoup de gens de loin. Honnêtement je trouve que c’est incroyable, mais de toute façon les forces du Sapa Inca vont s’en débarrasser bientôt. La chose principale dont ma famille et mon ayllu doivent se soucier maintenant c’est la récolte de maïs insuffisante. Si on ne récolte pas assez cet été, mon ayllu risque de s’affamer et mon père ne guérira sûrement pas sans une bonne nutrition.
- Suyana, voulez-vous de la Chica pour vous réchauffer? m’a demandé Puya-Vilca.
Il a un grand cœur et il veut que je sois le plus confortable possible avant mon sacrifice.
- Non merci, monsieur.
J’ai répondu sans hésitation car je n’aime pas trop l’alcool.
- D’accord, mais si vous ne le voulez pas pour vous réchauffer, buvez-en un peu pour enrichir
votre corps pour les dieux. Plus votre corps est riche, plus la récolte sera riche.
À contre-coeur, j’ai pris l’alcool. Normalement, les paysans comme nous n’ont pas assez d’argent pour boire de l’alcool mais aux enfants qui se préparent à être sacrifiés aux dieux, on donne toutes les nourritures et les produits de luxe. On a même offert un énorme festin le soir avant qu’on parte du village. Comme Puya-Vilca a dit, plus mon corps est riche, plus les dieux Pachamama, Illapa et Inti vont nous récompenser.
On a atteint notre destination, une Huacas importante en forme de cavern qui est presque au sommet de la montagne Llullaillaco. C’est moins extraordinaire que j’avais imaginé.
La cérémonie vient de commencer et je suis lourdement droguée à côté de Quilla. Elle a l’air tellement petite quand elle tremble. Pendant un moment je pense que c’est injuste de tuer une fille de seulement six ans. Mais rapidement je me souviens que toutes les deux, on va apporter la prospérité, la richesse, la bonne santé et l’honneur à nos familles, nos ayllus et notre communauté.
Les trois guides chantent autour de nous. Chacun représente un des trois dieux qu’on veut apaiser. Soudainement je pense que je vais mourir. Je ne sais pas pourquoi ça ne m’a pas frappé avant mais tout d’un coup je réalise ce que veut dire mourir. Je ne vais plus voir Zam ni ma famille, particulièrement mon père qui souffre encore d’une fièvre et de pustules partout sur sa peau. Je ne vais plus manger de repas, je ne vais plus travailler dans les champs ni célébrer une autre fête religieuse. Jusqu’à maintenant j’ai pensé que je rentrerais chez moi en quelque sorte.
Comment est-ce que je pouvais être si débile? Bien sûr que je ne rentrerai plus jamais! Peut-être, si j’avais travaillé plus fort, j’aurais pu ramasser plus de récoltes et de richesses pour ma famille ou j’aurais peut-être pu améliorer ma cuisine.
La seule chose dont je suis certaine maintenant c’est que je n’ai plus de temps pour corriger mes erreurs et je n’ai sûrement pas de temps pour devenir une meilleure version de moi-même! Comme je suis conne! Et si je courais maintenant? Penses-tu qu’il serait possible de rentrer chez moi? Je pourrais vivre paisiblement avec ma famille sur la ferme pour le reste de ma vie… Mais bien sûr je ne serais pas acceptée à bras ouverts ! Le choix de sacrifice est fait par les nobles, la Sapa Inca et les dieux eux-mêmes. Je ne peux plus échapper à mon destin. C’est la fin de la route pour moi.
Les drogues commencent à faire effet. Les guides nous amènent à l’intérieur de la cavern où on s’assoit avec des bijoux, des plumes et de la Chica qui servent de cadeaux aux dieux. Je me rappelle que même si c’est la fin de ma vie, c’est un immense honneur. Je me rappelle que toutes les deux Quilla et moi nous jouons un rôle important pour tout le village et que nos sacrifices ne seront jamais oubliés. Je suis fière d’avoir été choisie. Je suis fière d’avoir été choisie depuis le début. Je suis prête à être offerte aux dieux et à commencer ma vie au Hanan Pacha. Au revoir, monde du vivant.
Je me rends vite compte que la lumière blanche que je vois est de la neige qui tombe du ciel et qui couvre la terre. Si je ne suis pas morte, où suis-je ? Bizarre...c’est si froid dehors mais j’ai encore si chaud. Rapidement, la sensation de chaleur attire mon attention vers le feu qui cuit un mélange de haricots et de maïs. Où suis-je ?
- Suyana tu es réveillée ! Je m'inquiétais qu’il soit trop tard.
Mon meilleur ami glisse sa main derrière mon dos pour me supporter mais je recule aussi rapidement.
- Qu’est-ce que tu fais ici Zam ? Je suis supposée être morte! Oh non, je vais tout rater. Les dieux vont s’apercevoir que je ne suis pas sacrifiée et ils vont nous punir tous!
Il m’offre des haricots et du maïs mais je refuse. « Tu n’es pas contente de me voir ? J’ai pensé que je ne te verrais plus jamais… » Il a l’air d’un chiot blessé.
- Bien sûr que je suis contente de te revoir ! Je t’aime Zam et j’étais tellement contrariée de ne
pas te revoir mais j’aime mon père et je me soucie de ma famille aussi ! Je me soucie de notre ayllu et tous les autres fermiers qui vont souffrir si les dieux se fâchent. Comment est-ce que tu ne comprends pas ça ?
- Je t’ai sauvé la vie parce que je t’aime de tout mon coeur et parce que tu es la seule personne qui est si importante dans ma vie. On peut partir d’ici ensemble, on peut construire une nouvelle vie ensemble et on ne doit jamais retourner au village! Viens avec moi Suyi.
- Mon père est malade Zambiza, si je n’apaise pas les dieux ils.....
- Les dieux ne peuvent rien faire ! Ils n’existent pas ! Ton père va mourir et il n’y a rien que personne peut faire.
- Comment peux-tu dire quelque chose de si méchant ? C’est horrible.
Je répond avec des larmes qui coulent sur mes joues. « Et que les dieux n’existent pas? Alors comment expliques-tu tous les phénomènes du monde ? »
Zam répond sans hésitation ce qu’il croit même dans ses idées ridicules. « Je crois que tout est composé de molécules minuscules et d’éléments indivisibles. Que chaque processus sur terre est interdépendant. »
- Où as-tu trouvé des idées folles comme ça ? Si les autres t’entendaient, ils croiraient que tu es
possédé par un mauvais esprit et que tu es devenu fou.
Il réagit comme s’il n’avait rien entendu. « S’il te plait Suyi, pars avec moi. On pourrait se marier et vivre heureux pour le reste de notre vie. »
- Non Zam, nous ne pouvons pas et d’ailleurs nous venons du même ayllu. Nos parents ne le
permettraient jamais.
- Ça c’est ce que tu ne comprends pas. Si on s’enfuit nous n’avons plus besoin de la bénédiction de
nos parents.
« Mon père est malade Zam, je ne m'enfuirai nulle part. » L’obstination dans ma voix était finalement claire.
Je ne peux pas croire qu’il pense que je vais laisser mon père mourir et mon ayllu affamé à cause de ses petits rêves d’enfant.
Zam se fâche visiblement. « Bien ! Tous les deux on sait que tu ne peux plus rentrer chez toi. Alors tu as deux choix. Soit, tu t’enfuies avec moi et on peut s’installer ailleurs et on peut se marier ou soit, tu retournes à la cavern sacrée. Qu’est-ce que tu choisis? »
Il y eu un long silence, une tension existait dans l’atmosphère que ni l’un ni l’autre ne pouvait décrire. Une longue histoire de relation amicale, d’amour et de confiance ultime remplissait l’espace entre les deux jeunes. Comme Suyana ne répond pas, Zam continue avec du ressentiment et de la peur dans la voix.
- Est-ce que tu choisis ton père ou moi, Suyana ?
- Zambiza...
Les larmes continuent à couler sur mes joues. En même temps, Zam n’a pas besoin d’entendre le reste pour comprendre que ses pires cauchemars deviennent réalité. Tous ses efforts étaient pour rien. Je continue avec fierté:
- Tu es mon meilleur ami et il n’y a personne avec qui je suis plus proche, mais j’ai été choisie pour
ce sacrifice pour une raison et je dois finir ma tâche. C’est un honneur d’être choisie entre tous les autres pour être offerte aux dieux.
Comme Zam ne répond pas je lui demande de me diriger dans la bonne direction pour retourner à la cavern. Après quelques moments de silence, je pars. Mais je ne peux pas partir ainsi sans aucun au revoir, après tout, il est encore mon meilleur ami. Je retourne en courant pour lui donner un gros câlin. Aucun autre mot n’est prononcé.
La cavern où gît le corps de Quilla est toute noire et hyper froide. Je sens la tempête qui vient. Cette fois mon sacrifice ne sera pas aussi confortable car je ne suis pas droguée mais heureusement il reste encore un peu d’alcool. Je croise mes jambes et me calme car je sais que je serai accueillie par les dieux au Hanan Pacha bientôt. Le froid me pique les jambes, les mains et le cou. Au moins je sais que les seules personnes qui vont nous retrouver maintenant c’est Pachamama, Illapa et Inti.
Je commence à dériver quand tout à coup je sens des bras familiers m’entourer. Nous apportons le confort à l’un et l’autre pendant que le vent crie dehors et que le froid nous livre aux dieux. Les récoltes seront prospères cet été et mon père guérira de ses horribles pustules.
À l’extérieur j’ai froid mais à l’intérieur j’ai chaud au cœur. Avant de mourir j’entends ma voix préférée dire « Je t’aime Suyana. »